Le contrat en or du Rafale en Inde relance Dassault Aviation
Créé le 31-01-2012 à 15h23 – Mis à jour à 17h14
DECRYPTAGE Soupçonné de vivre grassement sur le dos de l’armée française, l’avionneur a réussi un joli coup en gagnant l’appel d’offres géant qui prévoit l’achat de 126 avions de combat Rafale d’une valeur de 12 milliards de dollars.
L’Inde va équiper son armée de l’air du Rafale de Dassault, l’avion de chasse qui jusqu’à maintenant n’équipait que l’armée française. (SIPA)
Chez Dassault Aviation, c’est le soulagement. La difficulté à exporter le Rafale était devenue, pour le groupe familial français, un sujet récurrent de quolibet et de critique, renforcé par le fait que Nicolas Sarkozy a fait du groupe Dassault l’actionnaire de référence de Thales et le pivot des regroupements à venir dans l’industrie de l’armement.
Dans certains milieux politiques, Dassault était même soupçonné de vivre grassement sur le dos de l’armée française, qui lui a commandé 294 avions de combat, dont 234 pour l’armée de l’air, et 60 pour l’aéronavale. Des équipements dont la livraison, commencée en 2005, doit s’étaler jusqu’en 2018. Même Gérard Longuet, l’actuel ministre de la défense, avait cru pouvoir évoquer publiquement la possibilité d’arrêter la fabrication de cet avion 100% français, lancé… en 1988 grâce à Jacques Chirac, s’il ne trouvait pas de débouché à l’étranger. Car « l’exportation est une nécessité vitale pour l’industrie de l’armement », comme le rappelait Charles Edelstenne, le PDG de l’avionneur, dans une récente interview-fleuve donnée au Figaro (propriété du groupe Dassault), précisément pour déminer le flot montant des reproches faits au constructeur.
« Nous exporterons un jour le Rafale ». Telle était la phrase toute faite par laquelle Charles Edelstenne répondait à chaque fois qu’il était interpellé sur les échecs successifs du Rafale à l’étranger – en Corée du sud, à Singapour, aux Pays-Bas ou encore au Maroc, un marché pourtant taillé sur mesure pour le groupe français.
Une victoire qui va de pair avec un important effort financier
Face aux journalistes comme aux actionnaires, l’alter ego de Serge Dassault prenait alors son air imperturbable, paupières à moitié fermées ne laissant filtrer qu’un éclair bleu acier, pour prononcer avec le plus grand sérieux ces mots magiques que certains avaient fini par prendre pour une incantation. Mais ce dirigeant aux ressources multiples, qui avait su gagner la confiance de Marcel Dassault avant d’avoir celle de son fils, a fini par avoir raison contre tout le monde.
A moins d’un an de la fin de son mandat à la tête de Dassault Aviation – il vient d’avoir 74 ans début janvier – il peut se féliciter d’avoir remis la maison dans le droit chemin. Probablement en consentant un sacrifice financier qu’il ne s’était pas résolu à faire dans d’autres occasions.
En choisissant le Rafale français pour équiper son armée de l’air, de préférence à l’Eurofighter/Typhoon, présenté par le trio européen BAE-EADS-Finmeccanica, l’Inde rend un fier service à la maison Dassault, pour qui le statu quo devenait de moins en moins tenable. Cet appel d’offre géant, qui porte sur 126 avions de combat, d’une valeur de 12 milliards de dollars environ, a aussi l’immense avantage d’avoir mis en valeur les qualités techniques de l’avion français.
Car depuis 2007, se sont déroulés de nombreux essais techniques, à l’issue desquels quelques uns des plus grands noms de l’aéronautique mondiale ont été éliminés par New-Delhi, le 4 novembre dernier : les américains Lockheed-Martin et Boeing, le suédois Gripen, et le russe Mig. Après ce premier succès, il sera sans doute moins difficile de vendre le Rafale à un ou deux autres pays, comme le Brésil, les Emirats arabes unis, ou le Qatar.
Enfin, ce contrat militaire relance une entreprise qui, en ces temps de crise, a plus de mal à vendre ses jets privés, autre spécialité de son activité aéronautique. Pour toutes ces raisons, ses dirigeants ont bien raison de remercier « les autorités indiennes et le peuple indien » dans le communiqué qui annonce la sélection du Rafale. C’est bien la moindre des choses.
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